Changement climatique et risques 5 min

Réponse floristique et fonctionnelle des forêts amazoniennes au changement climatique

Une grande partie de la diversité de la planète est concentrée sous les tropiques où de nombreuses régions sont en pleine mutation climatique. Des changements de composition floristique et fonctionnelle sont en cours dans les forêts amazoniennes. Celles-ci pourraient être de plus en plus dominées par des espèces d’arbre pas suffisamment bien adaptées au climat local, voyant ainsi leur capacité à fournir des services clefs potentiellement menacée.

Publié le 15 mai 2019 (mis à jour : 26 août 2020)

illustration Réponse floristique et fonctionnelle des forêts amazoniennes au changement climatique
© Phil Harris, Licence CC-BY-SA-2.5

Avec 5,5 millions de km², les forêts tropicales d’Amazonie couvrent une surface équivalente à 10 fois celle de la France métropolitaine. Elles représentent 45 % de la forêt tropicale mondiale et stockent 40 % du carbone contenu dans la végétation terrestre. Des changements même faibles dans leur structure et/ou leur fonction pourraient donc avoir des conséquences notoires sur la biodiversité, le cycle du carbone et le changement climatique à l’échelle mondiale.

En Amazonie, les modèles climatiques prédisent un renforcement de l’intensité et la fréquence des saisons sèches dans les prochaines décennies, et donc une augmentation des périodes pendant lesquelles les arbres subissent un stress hydrique. Bien que les changements de biodiversité induits par l’évolution du climat soient largement documentés, peu d’études ont abordé cette question pour les écosystèmes forestiers tropicaux humides.

A partir de l’analyse de caractéristiques fonctionnelles des arbres qui sont sensibles aux facteurs environnementaux (augmentation du stress hydrique et des concentrations en CO2 dans l’atmosphère) menée dans 106 parcelles d'inventaire forestier à l'échelle de l'Amazonie, une étude internationale à laquelle ont contribué des chercheurs de l’Institut, fournit la première image de la dynamique fonctionnelle et floristique des 30 dernières années.

Vers plus d’espèces tolérantes à la sécheresse…

Les résultats suggèrent que des changements de composition floristique et fonctionnelle sont en cours dans les forêts amazoniennes : l’abondance d’espèces d’arbre tolérantes à la sécheresse augmente et la mortalité des espèces non tolérants s’accroit dans les parcelles où la saison sèche s'est le plus intensifiée. C’est donc plutôt une bonne nouvelle.

… ce qui  ne compensera pas la forte inertie à réagir au changement climatique

Néanmoins, cette étude met également en évidence que cette évolution est lente, ce qui traduit une certaine inertie des communautés forestières tropicales dans leur capacité à réagir aux changements environnementaux.

Si les changements de composition floristique et fonctionnelle peuvent permettre d’accroître la résilience des communautés d’arbres aux sécheresses futures, ils auront néanmoins un coût en matière de biodiversité, dans la mesure où les taxons non tolérants représentent aujourd’hui la majorité de la flore arborée amazonienne. De plus, l'inertie intrinsèque observée dans ces communautés d’arbres implique que ces changements de composition seront considérablement en retard sur le changement climatique.

Dans le futur, les sécheresses continueront d’affecter le bassin amazonien et l'inertie intrinsèque des communautés d’arbres générera ainsi un retard dans leur réponse au changement climatique. Les forêts amazoniennes pourraient être ainsi de plus en plus dominées par des arbres certes mieux adaptés aux sécheresses, mais néanmoins pas de façon optimale par rapport au climat à venir. Une menace potentielle pour la capacité de ces écosystèmes à fournir des services tels que la protection de la biodiversité, la séquestration et le stockage du carbone.

Référence
Esquivel‐Muelbert A., Baker TR., Dexter KG. et al. Compositional response of Amazon forests to climate change. Glob. Change Biol. (2019) 25: 39.

Catherine Foucaud-ScheunemannRédactrice

Contacts

Clément Stahl UMR Ecologie des forêts de Guyane (INRAE, AgroParisTech, Cirad, CNRS, Univ. Antilles, Univ. Guyane))

Damien Bonal UMR Silva (INRAE, AgroParisTech, Univ. Lorraine)

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